La mort est un long fleuve hippie...

Le Monde du Fleuve de Philip José Farmer est une des sagas classiques de la science-fiction low-tech. Son premier tome a obtenu (et largement mérité) le prestigieux Hugo Award du meilleur roman. Le genre de lecture dont on a l'impression de ressortir plus intelligent, et en tout cas plus cultivé. C'est important, la culture.

Concept : 36 milliards d'humains, issus de la préhistoire à notre ère, sont ressuscités au même moment, au même endroit : une planète terraformée pour n'être qu'une interminable vallée traversée d'un fleuve s'étalant sur des millions de kilomètres. Les lazares ont de nouveau 25 ans, un corps imberbe (les cheveux repousseront plus tard) et en pleine santé, et la vie (ou la mort) devant eux. Accompagnés d'un Graal (une boîte indestructible qui leur fournit régulièrement mets succulents et cigarettes), ils ne vieilliront désormais plus, et s'ils meurent sur ce monde, ils sont ressuscités le lendemain à un autre endroit du Fleuve. Paradis, Enfer ou Purgatoire, chacun se fait sa propre idée. Il n'y a pas de mode d'emploi fourni avec cette résurrection.

Les bonnes vieilles habitudes terrestres reviennent rapidement : meurtres, viols, suicides, esclavagisme et torture côtoient naturellement d'autres idéaux : ceux des néo-hippies qui décident de réinventer à la sauce résurrectionnelle la vie communautaire et la révolution sexuelle, rappelant la période où furent écrits ces livres; ceux des religieux qui pensent être là par la grâce divine, et se mettent en quête du salut de leur âme; et enfin ceux des cartésiens, qui n'ont pour la plupart qu'une seule obsession : connaître la raison de leur présence ici.

Certains humains sont rapidement contactés par un "Mystérieux Inconnu", alias X, qui se présente comme un Éthique, la race responsable de leur résurrection, qui a besoin de l'aide des meilleurs représentants du monde terrien pour conquérir le Saint-Graal, la Tour des Éthiques située aux sources du Fleuve, dans la mer polaire, et l'aider à déjouer les plans tout aussi mystérieux, mais visiblement pas si éthiques que cela, de ses congénères pas peu fiers.

Ainsi, Richard Francis Burton, explorateur du Nil, prend la route vers les sources d'un fleuve autrement plus majestueux. Pendant soixante ans, il passera d'une embarcation à l'autre et rencontrera des dizaines de personnalités importantes, en compagnie de la fidèle Alice Liddel, l'inspiratrice du Pays des Merveilles. Il devra déjouer les plans de nombreux agents des Éthiques infiltrés parmi les humains, et tenter de retrouver les autres privilégiés qui ont été contactés par X.

Si cet aspect du récit est passionnant, ce n'est malheureusement pas le cas de la "B Story", l'histoire parallèle, centrée cette fois autour de Sam Clemens, alias Mark Twain. Lui aussi contacté par X, il réussit après des années d'acharnement à construire un bateau à aubes, pour se le faire voler aussitôt. L'intégralité du tome 2, puis la moitié des tomes 3 et 4, est consacrée à son histoire, et à sa quête des sources du Fleuve, qui est largement éclipsée par son obsession de rattraper le bateau qu'on lui a volé, et de se venger. L'idée de départ est bonne -- montrer par A plus B que la recherche de la vengeance entraîne souvent bien plus de malheurs, comme les conflits modernes nous le rappellent chaque jour. Mais l'exécution est ratée : on passe vraiment trop de temps à attendre que ce fougueux Clemens passe sa crise d'urticaire sur autre chose qu'un foutu bateau. Heureusement qu'il est bien accompagné.

Le tome 3 se concentre également sur la fabrication d'un dirigeable et sa tentative d'assaut de la Tour. Encore une aventure passionnante, mais qui se termine en carnage. Surtout qu'entretemps, les "petites résurrections" ont mystérieusement cessé. Une manière de remettre un peu de tension dans un univers trop lisse ? Mais les faits sont là : la saga est au moins aussi connue pour la qualité époustouflante de son pitch, que pour ses problèmes de rythme. Dans l'absolu, j'imagine qu'on pourrait obtenir un livre parfait en supprimant la quasi-totalité des tomes 2 et 3, et en se concentrant sur les aventures de Burton.

Mais les quatre livres ont pourtant d'autres atouts dans leur poche. D'abord quelques personnages vraiment attachants, comme Joe Miller le géant préhistorique avec un cheveu sur la langue et une propension à la générosité et à l'humour intello. Monat l'extra-terrestre intrigant mais chaleureux. Goering, le second d'Hitler, poursuivi par ses démons et qui montre que la rédemption n'est pas un vain mot. Piscator, le Japonais sage, discret et adorable. Et bien sûr Cyrano de Bergerac, le truculent, l'ineffable bretteur. Et si Farmer n'est pas l'écrivain le plus agile de sa génération, il n'en est pas moins délicieusement érudit. Et comme la plupart des têtes trop pleines, il aime étaler sa confiture.

Chaque personnage, connu ou moins connu, nous déroule sa biographie terrienne, parfois sur de nombreuses pages. Chacun a sa propre philosophie personnelle, ses idées sur la religion, la sexualité, les relations sociales, et ne se prive pas pour les partager. Inutile de préciser que le choix de Burton pour héros, bête sauvage aux multiples facettes, était d'autant plus indiqué. En somme, en dehors de la Grande Aventure de la Mort, c'est avant tout à un laboratoire ultime de la Vie auquel nous assistons : on donne à l'humanité la chance de s'améliorer, en l'unissant avec toutes les ethnies de toutes les époques, et lui laissant la denrée la plus rare sur Terre : le temps de la réflexion.

Rien que pour ça, j'ai bien envie de reprendre mes rames et de pagayer vers de nouvelles pages de l'auteur.

(Écrit le 3 mai... Oui, c'est un peu long comme délai de publication :gnehe:)
 

Baudelaire, jusqu'au bout des ongles

Je viens de me rendre compte que je n'ai finalement jamais écrit ce magnifique, poignant et immanquable billet à propos du treizième et ultime volume de la série des Orphelins Baudelaire.

Ledit magnifique, poignant et immanquable billet m'a en effet longuement trotté dans la tête, jusqu'à devenir, comme susmentionné, magnifique, poignant et immanquable. Et surtout complètement virtuel.

Enfin bref, si jamais je n'ai jamais l'occasion de l'écrire, sachez que cette série était fabuleuse, et que la "grosse" surprise du dernier volume, c'est qu'il ne révèle quasiment aucun des "petits" secrets semés au fil des volumes, et que, loin d'être décevant à ce sujet, c'est surtout la première fois que cette absence de révélation est totalement jouissive et littérairement fondée ! Ca c'est du cliffhanger pour un billet virtuel.
Voilà, c'était juste pour dire ça.

Et aussi pour annoncer qu'un nouveau livre "périphérique" à la série vient de sortir : Horseradish: Bitter Truths You Can't Avoid!
Un chapitre est disponible gratuitement ici.

Je reçois ça, euh.... Ben, pas demain parce que c'est le premier mai... Mais cette semaine, quoi. Ca a l'air bien allumé, tout ce que j'aime chez Lemony Snicket :gnehe:
 

Plein de livres, un jour

Suite de nos longues aventures au Salon du Livre samedi dernier, à Arion et moi...

Après avoir obtenu sous la torture nos dédicaces (j'ai oublié de vous montrer la mienne, qui a au moins l'avantage de prouver qu'un prénom rare est inestimable pour personnaliser ce genre d'exercice), nous nous dirigeâmes le vague à l'âme vers d'autres contrées moins balisées dans l'espoir d'y trouver un quelconque palliatif au soudain vide qui frappait notre coeur au fur et à mesure que nos pas s'éloignaient lourdement du stand Perrin où se tenait la dédicace.

Sachant que François Rollin dédicaçait son livre dans un stand proche, j'ai donc commencé par proposer (imposer ?) à Arion d'aller prendre un petite photo. Pour une fois que j'avais mon appareil sur moi, autant faire mon Japonais. Pour le prix d'une, j'ai également eu Pierre Mondy dans le cadre. w00t. Enfin, en même temps, je ne saurais même plus vous citer le moindre film dans lequel il a tourné. La septième compagnie, peut-être ? En attendant, quelqu'un était bien plus motivé que nous à rencontrer les deux zouaves en dédicace, et c'était Roger Hanin.

N'écoutant que mon courage de Centriste Pas Triste, et aidé par le souvenir d'une soirée d'ennui profond devant un épisode de Navarro que l'on tentait de me convaincre de regarder, je me suis jeté sur lui, dans l'espoir de le faire tituber, de provoquer sa mort et de faire perdre ainsi une voix sarkozyste au futur scrutin qui nous gonfle tous à l'avance. Malheureusement, Arion me fait signe dans l'oreillette que c'est pas bien de mentir, et que c'est juste qu'il m'a frôlé parce que j'avais le dos tourné vers ledit Rollin. Parfois, la vérité n'est que chimère, et c'est le rêve qui prend le pas. Roger ? Je l'aurai un jour, je l'aurai. Ah non, ça c'était pas du professeur Rollin, je bats ma coulpe.

Nos pérégrinations à travers cette gigantesque foire au bestiau lettré nous firent traverser des contrées aussi affolantes que des stands de presse universitaire, de conseils de beauté ou de recettes de cuisine alsacienne. N'écoutant que notre courage, nous en fîmes finalement fi et filâmes vers une autre file pleine de geeks en sueur. Mais qui se cache derrière cet humble troupeau ? Oh mais... Stupeur ! Crise d'apoplexie ! Heureusement que mon fidèle Arion était là pour me rattraper, j'allais tomber à terre. Je venais d'apercevoir Neil Gaiman, une espèce de dieu vivant pour moi, en tout cas clairement mon romancier préféré encore en vie ! L'auteur des hilarants De bons présages (naguère pressenti pour être adapté au cinéma par Terry Gilliam) et Anansi Boys, de l'extraordinaire Neverwhere, du déchirant Stardust, du fascinant Coraline et du passionnant American Gods (prix Hugo en son temps, excusez du peu !) était ainsi présent, le même jour, à la même heure, au même endroit que notre roi Arthur. Les grands esprits se rencontrent, excusez du peu ! Mais la longueur de la queue aidant, je me résous à ne prendre qu'une paire de photos (voir ci-dessous) et à m'éclipser discrètement, la mort dans l'âme, vers de nouvelles aventures.

Nous voici maintenant dans le quartier des bandes dessinées. Reléguées dans un coin du salon pour ne pas déranger les gens normaux économiser du souffle aux gros geeks pleins de sueur comme moi amateurs avertis, c'est ici que quelques minutes plus tard Arion et moi nous quitterons en très mauvais termes, ce dernier ayant en effet osé déclarer à la vue du dernier album d'Astérix que c'est un chef-d'oeuvre absolu. Il aura des comptes à rendre à la communauté. Je passe outre cette sordide histoire qui en aura déçu plus d'un, pour vous rapporter ce que j'ai acheté sur place...

Alors, euh... Pas grand-chose en fait... Le deuxième et dernier épisode de "Miss Pas-Touche" par les Kerascoët (je venais de rater leur dédicace à une demi-heure près, pas de chance), un nouveau Poisson Pilote signé Anne Simon (ah, un truc en forme de fiction "biographique", ça fait un bout de temps que ça ne s'était pas vu dans la collection, enfin !), et les tomes 7 et 8 de Grand Vampire de notre vénérable maître à tous Joann Sfar. Enfin, ce n'étaient pas vraiment les tomes 7 et 8, mais plutôt le tome 4 du "Bestiaire Amoureux". C'est compliqué, parfois, avec lui. Il a réédité les Grand Vampire sous ce nouveau nom, à raison de deux albums par livre, ce qui nous fait donc trois albums de réédition, et un album entièrement nouveau. Je me réjouis d'avance à sa lecture, même si le dernier épisode en date ne m'avait pas complètement soulevé mon enthousiasme. Je vous ai dit que le dernier Chat du Rabbin était formidable, au fait ? C'est même d'ailleurs la première fois que j'apprécie vraiment un épisode de cette série, pourtant son plus gros succès ! Comme quoi...

Ensuite, détour par la section "BD indépendante"... J'ai pu discuter avec deux employés de l'Association et leur faire part du profond ennui qu'a provoqué en moi la lecture du troisième et dernier numéro de leur Éprouvette. Non, je n'ai pas demandé à être remboursé, non plus. Je ne suis pas si mesquin. Ou presque. J'en ai profité pour prendre le tome 5 d'une Demi-douzaine d'elles, série qui était tout de même plus sympa au début que maintenant. Je n'ai pas encore fini le 4, c'est pour dire... Ah, une bonne nouvelle quand même : le troisième Journal de la Jungle (du génial et complètement chtarbé Mathieu Sapin/Mathsap) devrait sortir en juin, suivi avant la fin de l'été par le quatrième. C'est la fête. Egalement passé un peu de temps au stand de Michel Lagarde, dont je vous refile l'adresse parce que voilà, je suis sympa et que la dame qui tenait le stand aussi. Je lui ai pris un "Docteur Net" pour encourager les jeunes éditeurs indépendants, c'est sympathique pour les amateurs de strips acerbes mais pas plus marquant que ça. Et en prime, toujours sur leur stand, un volume de "Seul comme les pierres" de Wandrille, et là, c'est intestablement super drôle.

Le reste de la journée fut consacré à écumer les stands pour y trouver un guide touristique (passionnant), à chercher les limites de l'affligement devant l'étalage de stands pour intellos, stands pour obsédés sexuels, stands pour fans de chasse et pêche, stands pour fans de Jojo... Mais où est la logique dans tout ça, hein ? Bon, bon... A la fin, parce qu'il y a une fin, le salon va bientôt fermer, et par curiosité je repasse devant le stand du Diable Vauvert, où Gaiman faisait ses dédicaces... Eh, mais c'est qu'il est toujours là, le bougre ! Et que la file s'est réduite à peau de chagrin ! Je me décide donc à l'intégrer et à me taper la discute avec quelques autres fans. La fatigue de ces cinq heures de randonnée dans un magnifique terrain (plat mais plein d'obstacles gras du bide) de 50.000m² a fortement amoindri mes exigences vis-à-vis de la communauté geek et m'a certainement rendu plus complaisant, à défaut de sympathique. J'apprends donc à une demoiselle que j'ai la grande classe, parce que c'est le traducteur de DBP et Neverwhere, Patrick Marcel, "un bon copain", qui m'a conseillé de me lancer dans la lecture de Neil Gaiman. Et elle de me répondre, toute contente, qu'elle le connaît aussi, parce qu'il est très client des conventions d'heroic-fantasy. Note pour plus tard : oublier Patrick Marcel. Ce garçon est trop en vue.

Me voici enfin devant Neil, l'occasion d'user de mon plus bel accent anglais ("Am sori fore maille aksente") et de retenter le stratagème Patrick Marcel sur l'auteur. Ca ne l'a guère fait sourciller mais au moins sa réponse était plus en adéquation avec ce que j'en attendais ("Oh, really? Oh, Patrick and I... We go waaaay back!"). Il m'a gentiment signé mon exemplaire de Mirrors & Smoke (que je venais d'acheter une seconde fois pour l'occasion, vous noterez cet intolérable comportement de geek fini), puis réalisé un dessin. Ne désirant pas trop l'embêter avec ça (je ne m'étais jamais rien fait dédicacer de ma vie, et il venait de passer plusieurs minutes à réaliser de très beaux Joker et Batman pour deux autres geeks finis, indiquant par là-même que ça ne devait être que la 3874ème fois qu'on lui demandât de tels sujets de dessin), je lui confie que j'éprouve beaucoup d'affection pour le film qu'il a écrit, Mirrormask, et que je serais ravi d'avoir un dessin de son choix ("Anything you like!") en rapport avec ce chef-d'oeuvre de la fantasy tordue. Au final il m'a réalisé un Valentine (prononcer à l'anglaise), un des personnages principaux du film. Bon, il n'est pas aussi bien fignolé que son Joker précédent, mais dans la vie il faut choisir Nao. On ne joue pas les Mère Thérésa pour se plaindre qu'on n'a pas de quoi manger pour soi après.

D'autres choses apprises sur le tas : (1) Visiblement, ça lui fait quand même plaisir de tomber sur des gens qui le connaissent pour son film Mirrormask et ses romans, et pas pour ses comics. (2) Alan Moore et lui, they "go waaaaay back" aussi, ça je le sais, mais c'est même lui qui a présenté sa future femme à Alan. Mignon et drôle. Bon pour l'audimat. (3) Il y aura à la fin de l'année un film de Stardust. Et là je dis : pourquoi j'étais au courant de celui de Coraline prévu pour 2008, mais pas pour celui de Stardust ? Hein ? Je vous le demande. Surtout qu'il est signalé sur l'imdb. Avec un casting de rêve. Claire Danes dans le rôle féminin principal (la gentille fée !) et Robert De Niro dans un rôle secondaire. Re-w00t. Quand j'ai demandé à Neil s'il était confiant dans la qualité du film, il m'a répondu qu'il avait fait des suggestions, que certaines avaient été suivies, mais pas toutes, et que son apport s'arrêtait là. C'est noté !

Et après tout ça, chuis rentré à la voiture, y faisait noir, y pleuvait, y'avait d'l'embouteillage, j'étais claqué, chuis rentré j'ai fait dodo j'me suis levé j'ai mangé j'ai vécu une autre journée mais j'vous raconterai ça une autre fois. Si, si.
 

« Stupid, stupid rat creatures! »

Je me suis enfin lancé dans la lecture d'une BD américaine qui m'a longtemps intrigué : Bone, qui a fait récemment l'objet d'une adaptation en jeu d'aventure par des anciens de LucasArts. L'édition softcover que j'ai lue peut se trouver ici pour 28€, soit 20€ de moins que ce que j'ai payé chez Album. Oui, j'ai des envies de meurtre parfois... En plus, je ne le savais même pas, mais ce mois-ci, Smith avait tenu au même endroit une séance de dédicaces... Oui, je sais, c'est pas de leur faute si j'ai raté ça, et de toute manière je suis trop timide pour aller aux dédicaces des auteurs que j'aime. Soit dit en passant, Jeff, Giverny c'est le bien.

Le livre est en anglais, mais il est facile à suivre, et la traduction française coûte presque cinq fois plus cher et m'a l'air hasardeuse. Passons au vif du sujet... Difficile de présenter ce pavé N&B sans trop spoiler, donc je vais laisser tomber l'idée de sortir les arguments scénaristiques pour vous convaincre, et supposer que vous me faites confiance.

Fone Bone, Smiley Bone et Phoney Bone sont trois cousins orphelins qui ont fait leur petite vie à Boneville, en compagnie d'autres Bone comme eux. Ils ressemblent vaguement à des os, mais sont des archétypes de l'homme moderne. Plus précisément, Fone Bone est la version Jeff Smith de Mickey, Smiley celle de Dingo, et Phoney celle de Picsou. L'auteur est amateur de Carl Barks, et ça se sent. Les premières centaines de pages (sur près de 1400 !) sont souvent très drôles, on se délecte à voir les personnages se dévoiler progressivement. Chassés de Boneville à la suite d'une énième arnaque à grande échelle fomentée par Phoney, les trois cousins se retrouvent dans une vallée à l'écart de notre civilisation, restée à l'époque moyen-âgeuse. Fone tombe amoureux d'une jeune paysanne humaine dessinée à la manière d'une héroïne disneyienne, et Phoney est pris pour une sorte de messie sacrificiel par une tribu de rat creatures menée par un mystérieux personnage masqué.

L'histoire décolle ainsi très progressivement, passant insidieusement d'une ambiance bucolique à, 800 pages plus tard, une version alternative du Seigneur des Anneaux. On en retrouve énormément d'éléments, mais gérés suffisamment intelligemment pour sublimer l'hommage, et même un poil de Star Wars, Gran'ma Ben ayant aussi bien pu s'appeler Kenobi. Même la fin prend le temps de s'étaler sur plusieurs chapitres après le climax. J'ai englouti la saga en deux jours à peine, preuve s'il en est que j'avais bien besoin d'une histoire aussi rafraichissante, excitante et émouvante... Il est des oeuvres si épiques qu'elles n'ont pas besoin d'arguments pour qu'on fasse leur publicité. Il suffit d'en lire quelques pages et de se laisser happer par la qualité du dessin, de la mise en scène, des dialogues et du scénario global.

C'est tellement bon que j'en perds mes mots, et que, je m'en excuse, j'ai préféré écrire un billet rapide et jetable plutôt que d'attendre de trouver l'inspiration pour vous parler d'une histoire qui, plus que tout, mérite son prix à Angoulême, son Harvey Award, son Eisner et l'appellation donnée par Time Magazine : "une des dix meilleures BD de tous les temps". Je plussoie. Je multiploie, même.
 

La traversée de l'ennui

Lu hier soir avant d'aller faire un gros dodo : "La traversée du temps", de Yasutaka Tsutsui. J'étais intéressé par cette histoire de voyage dans le temps, "Toki wo kakeru shôjo", publiée en 1965 au Japon, et qui avait inspiré plusieurs adaptations, dont un long-métrage d'animation de Mamoru Hosoda cette année -- qui constitue en fait une suite directe au livre. Je me suis donc fait un devoir de commander le livre quand j'ai découvert qu'il avait été traduit chez un petit éditeur il y a une quinzaine d'années.

Résultat ? Euhhh... Petite surprise déjà : le bouquin fait moins de 150 pages et la typographie est aussi imposante que celle de Oui-Oui. Soyons clairs, sans pour autant le survoler, j'ai traversé (ah, ah) le livre en moins d'une heure. Et pourtant je ne suis pas un lecteur très rapide... Bilan littéraire : merdouille, c'est un bouquin pour ados qu'on prend pour des demeurés. Il n'y a tout simplement pas de style. C'est écrit comme une vulgaire fanfic de débutant. Bon, intérêt zéro pour l'amateur de littérature donc. Mais pour le geek, pour le fan de SF ? Pour celui dont les épisodes préférés de Star Trek sont des voyages dans le temps ? Euhhh... Non, vraiment, il n'y a rien à sauver. L'histoire se résume en fait en deux lignes : "lycéenne respire odeur étrange STOP acquiert pouvoir voyager temps STOP en a marre STOP revient au moment acquisition STOP découvre odeur vient de fiole faite par meilleur ami STOP... Et bon là on en est à peu près à 120 pages, fiou, quelle densité... Et encore, si je ne vous ai pas raconté les 20 dernières pages, ce n'est pas pour ne pas gâcher la surprise, c'est juste pour vous l'épargner. On n'est plus dans un mauvais épisode de Star Trek, là, mais plutôt d'Alias. C'est dire.

Je crois que si ça a marché au Japon, c'est principalement parce que c'est bouquin pour enfants (ah, ça, ce n'est pas indiqué sur le site de la Fnac...), et que la fille tombe amoureuse mais que c'est un amour à travers le temps vous comprenez, c'est super beau et super émouvant et ça fait super pleurer, faut vite que Léonardo adapte le bouquin en film, il ferait un super Masaru Matthew, et on prendrait Claire Danes pour faire Kazuko Kate...

Non, sérieusement, si vous voulez un machin dans le même genre, regardez plutôt Quelque part dans le temps (encore un film avec Christopher Reeve, tiens), ou lisez le bouquin dont il est tiré, Le jeune homme, la mort et le temps de Richard Matheson, c'est quand même autrement plus intéressant ! (Surtout le film, avis personnel.)

Reste à savoir si le film de Hosoda arrive à tirer quelque chose du concept de base. Kazuko y joue apparemment le rôle du mentor dans cette version, et le film a l'air bien fichu. Je reste en ligne...
 

Join the (private) club

I'm one of them, ça y est... Après des années à rigoler devant les hordes de gamins qui se précipitent pour acheter le nouvel Harry Potter à sa sortie, j'ai fait partie des tarés qui sont allés ce matin se payer le tome 6. Alors alors ? Harry, qui comme tous les garçons de bon goût préfère les bridées caractérielles, jouera-t-il à touche-pipi avec Cho Chang ? Ou virera-t-il sa cutie pour satisfaire les regards langoureux de Dumbledore ? En saura-t-on plus sur la vie sexuelle des house-elves ? On a déjà une réponse pour les Dementors : "le brouillard à Londres, c'est quand ils baisent" -- c'est JKR qui le dit. Quant à Bellatrix, elle donne la trique sévère à Snape. Abracadabra, c'est l'été, il fait chaud, les filles sont comme la braise et lire Potter en anglais dans le texte est forcément sexy. Mais ces six cent pages à engloutir seront-elles excitantes ? Après une tournée de 80 j'en ai déjà les mains moites, c'est bon signe.

Harry Potter, le livre des pervers par excellence ? Ah mais je veux ! Les stigmates pleuvent de partout et les prophéties n'annoncent que tortures mentales et physiques... Flagellez-le, voilà le plus bel homme-mage ! Harry a survécu à l'autodafé des bien-pensants, mais que restera-t-il de lui après une nouvelle couche de sadisme rowlingien ? Littérature païenne, oui, mais alors allez jusqu'au bout et forcez la décadence. Notre héros-Eros en redemande, après avoir passé ses nuits à pleurer son amour perdu -- Sirius, son Canis Majoris préféré. Ah ! Peu importe si c'est du Harry ou du cochon : dans c'boxon tout est bon.
 

Tout fout l'camp...

Damnation !!! Frantico arrête son blog (cf commentaires) pour se consacrer à d'autres activités :-( Enfin, en même temps il le termine sur une note positive; j'achèterai son recueil les yeux fermés. C'est vrai qu'il y en aura déjà probablement pour au moins 180 à 200 pages ! A mon avis, s'il arrête, c'est parce que sa copine le lui a demandé... Je le sens bien comme ça. Je comprends tout à fait ce choix. Le succès ça n'est rien à côté de l'amour... <soupir> -- Edit : ^o^
 

Cinq d'un coup !

J'ai fini de lire pour vous (euh non, pour moi...) la trilogie en cinq volumes du Guide du Routard Galactique.
J'avais déjà lu les livres un et trois dans ma jeunesse, et c'est intéressant de les lire enfin tous, et dans l'ordre. Pour ceux qui connaissent le film (je préfère attendre la sortie DVD pour le voir dans de meilleures conditions qu'un screener), c'est assez surprenant : Zaphod/Zappy apparaît dans le deuxième livre et puis fini. Quant à Marvin, un petit rôle dans le deuxième livre, puis un rôle encore plus petit dans le troisième, et une guest star "finale" à la fin du quatrième... Et puis fini aussi. Trillian n'apparaît pas du tout dans les livres 3 et 4. Les seuls personnages communs à tous les livres sont Arthur et Ford.

Les livres 4 et 5 m'ont beaucoup surpris, je dois l'avouer. Le quatrième se déroule quasi-entièrement sur Terre (une Terre d'un univers parallèle), avec une histoire d'amour toute simple qui m'a complètement séduit.. (En ce moment, ça me réchauffe le coeur de voir une romance entre deux personnages complètement paumés...) Malheureusement, le plaisir de cette histoire s'envole dans le tome 5. Qui, je dois le dire, m'a beaucoup déçu. Non pas qu'il soit inintéressant, mais la façon dont
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est absolument ridicule (je ne dis pas "absurde", parce que tout est absurde dans ces livres). Déjà, exit les bons moments du quatrième livre...

Mais bon, l'auteur était probablement plus intéressé par l'idée d'en finir avec ses personnages et puis basta. Résultat,
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Heureusement que je lisais tout ça avec beaucoup de détachement (il valait mieux, étant donné qui tentait naguère de me les faire lire... -_-), mais je reste franchement déçu par l'idée que ce livre est sorti près de dix ans après le quatrième, et que non seulement il était plus ou moins inutile, mais qu'en plus la fin du quatrième livre me paraissait beaucoup, mais vraiment beaucoup plus adaptée. Vraiment. Je crois que je vais tenter d'oublier le cinquième et puis c'est tout... En plus on n'y trouve même pas le sens de la vie. Tss. Alors que chacun des précédents livres se terminait sur une tentative de nous l'expliquer, justement.

A part ça, chapeaux bas pour la qualité de la traduction de Jean Bonnefoy... Il m'a même souvent fait hurler de rire avec ses "notes du traducteur". Bref, une trilogie à lire, un quatrième bouquin à savourer, et un cinquième à éviter, dans lequel on n'apprend quasiment rien sur nos héros, à part leur, ahem, "destin"... Mouif.