
Hormis cette délicieuse coïncidence (merci quand même à tinou pour son précieux conseil !), ce long-métrage est une chronique familiale douce-amère se déroulant entre 1960 et les années 80, et centrée sur la naissance et la jeunesse de Zachary. Son personnage est prétexte à aborder plusieurs thématiques : la croyance en Dieu, la recherche de son identité émotionnelle et sexuelle, et la relation entretenue avec sa famille. Quatrième d'une famille catholique de cinq garçons, on suit Zachary dans ses premières années où il est surtout marqué par l'omniprésence de la religion : il a failli mourir immédiatement par deux fois le jour de sa naissance (à Noël !). Ce petit miraculé apprend par la suite qu'il est capable de prodiguer des miracles en faisant s'arrêter le sang de couler et en soignant les brûlures. Lui n'y croit pas, nous non plus, mais sa famille a bien le droit d'avoir des ambitions pour lui, non ? La mienne a bien cru que j'étais un petit génie. En tout cas, Zachary lui, n'aime décidément pas Noël. La messe de minuit l'ennuie au plus haut point (il fantasme son envol vers les cieux tandis que le public de l'église chantonne Sympathy for the Devil !), et ces parallèles (jamais énoncés clairement dans le film) sur sa parenté à Jésus ne l'empêchent pas de recevoir systématiquement des cadeaux à côté de la plaque de la part de ses parents. Mon père, ce héros ? Sa relation avec lui est le point crucial du film.
A moins que ce ne soit... l'étonnement constant pour nos oreilles. Ahh, ces fameux accents québécois. Je remercie les auteurs du DVD à avoir pensé à sous-titrer les phrases les plus compliquées à décrypter, mais quelques questionnements sur la langue resteront là où il sont... Ce qui contribue probablement à l'aura de mystère de l'oeuvre. Tout comme la cruelle absence d'ambiances musicales pendant la majeure partie des scènes du film contribue grandement à augmenter l'impact des scènes accompagnées. Et se payer des extraits des stars de la musique des années 60-70 n'a rien de gratuit pour un petit film : près de 10% du budget y est passé... Soit dit en passant, je suis d'accord avec l'article dans le sens où les artistes québécois cités au début du billet auraient bien mérité une place dans le film ! Quant aux compositions originales, elles sont rares, et le générique de fin fait furieusement penser à un plagiat instrumental (et paradoxalement plutôt original) du Creep de Radiohead... Mais à part ces Anglais partis en roue libre depuis des années, qui viendrait s'en plaindre ?

La thématique religieuse du film, si elle est probablement la plus finement exploitée, tire sa révérence devant la beauté poignante de la relation entre un père et un fils qui ne se comprennent plus, qui s'aiment mais ne savent plus comment se le dire. Ils sont l'âme du film, qui se fond avec une élégance confondante dans l'évolution culturelle et sociale du Québec des années 60 et 70. L'auteur oppose par exemple les univers musicaux entre eux (Aznavour et Patsy Cline contre Stones, Bowie et Floyd) pour finalement montrer que les émotions musicales ressenties sont les mêmes, quelle que soit la musique que l'on écoute. La différence entre les générations, là aussi culturelle et sociale, est-elle palpable ou imaginaire ? CRAZY donne un début de réponse flamboyant à cette éternelle question...