Je viens de me rendre compte que ça fait exactement dix ans (bon OK, à un mois près... C'était fin 94, quoi) que j'ai commencé mon premier boulot payé, journaliste chez Okaz. Ca me fait tout bizarre... Ca se fête, non ?
...Bon, OK, je suis pas spécialement fêtard comme garçon... Donc j'aurai juste une pensée pour cette merveilleuse époque et on en reste là
Je vais vous parler un peu de ma vision de cette période, elle vous intéressera peut-être.
Peu après j'avais commencé mes premiers travaux de traduction professionnelle. Par contre je ne sais plus si j'ai d'abord traduit le manga d'AD Police pour Samouraï, ou la vidéo de MAPS pour Kaze Animation. Je pencherais pour MAPS. C'était tellement mal payé (une cassette vidéo !!!) qu'il était clair que j'étais désespéré de commencer dans ce merveilleux milieu...
Oui, je dis ça sur un ton ironique... J'en ai connu, des milieux professionnels, mais celui de la traduction de mangas et vidéos au milieu des années 90, c'était vraiment le pire, quelque part. La plupart des éditeurs sortaient de l'érotique (alors que maintenant ils en auraient honte, ce qui est quand même signe d'une évolution positive depuis la fin de cette vague-là en 1997), et se fichaient pas mal des réactions des lecteurs ou téléspectateurs. J'ai eu des relations avec bon nombre d'éditeurs (Kaze, Samourai, Katsumi, J'ai Lu, Kaze, Eva, ..) et aucun n'a fait signe du moindre professionnalisme. C'en était exaspérant. C'est d'ailleurs une des raisons qui m'ont poussé à quitter le milieu en 1997.
Honnêtement, je ne regrette rien, et surtout pas le fait de m'être mis à la retraite. Je ne garde que les bons moments, mais quand je me souviens comment je traduisais à la chaîne pour des miettes, je préfère autant ne plus y repenser. Aujourd'hui, les traducteurs ont des luxes que ne leur permettaient pas les éditeurs à l'époque : ils ne sont pas payés au noir (donc ils ont des droits), ils touchent 5 fois plus que ce que je gagnais pour un travail équivalent, ils peuvent prendre une semaine voire un mois pour traduire une BD (exemple typique chez moi : Samouraï m'envoie 3 mangas, je dois les renvoyer traduits, un par jour, dès le lendemain...), on ne leur donne pas que de la bouillie infâme à traduire (les bons titres que j'ai eu l'occasion de traduire se comptent sur les doigts de la main... Et, non, je n'y inclue pas Fûma no Kojirô
), ils ont parfois un droit de regard sur l'adaptation... Vous savez, toutes ces petites choses qui montrent qu'un éditeur vous respecte.
Non, à vrai dire, le plus grand plaisir que j'aurai tiré de ces expériences, c'est de savoir que je ne veux pas les renouveler dans de telles conditions. Comme je me plais à le dire, je préfère travailler gracieusement pour un produit que j'aime (le Tenkai) plutôt qu'être grassement payé pour traduire du caca d'oie. J'ai d'ailleurs longtemps chéri l'idée de m'auto-financer et de devenir éditeur de mangas, en sortant quelques perles encore inconnues en France, telles que Fu-ta-ri, To-y, etc. Mais bon, la plupart des oeuvres que je voulais traduire à l'époque (Hi no tori ou Shirahime shô, par exemple) ont fini par être éditées, donc je n'ai jamais eu de raisons de m'y mettre sérieusement
Reste mon boulot de journaliste, enfin, pigiste plus exactement (le métier de la majorité des journalistes "de genre"), pour lequel je n'ai jamais vraiment eu à me plaindre... Presse Eco (Okaz/Yoko) était une petite structure, mais formée uniquement de passionnés, et qui ne se résolvait parfois au commercialisme que pour pouvoir survivre et continuer à faire le magazine qu'elle voulait. Malheureusement, ça ne nourrit pas un homme et la société a fait les frais d'un rachat par Pressimage en 1997. Yoko est devenu Top Manga, il me semble. Je ne me sentais plus dans cet esprit-là. J'ai toujours préféré les petites boîtes. Je suis parti de l'équipe après le premier numéro.
Au final, je ne garde qu'un seul et unique mauvais souvenir de cette aventure : le "sponsoring" de la vidéo érotique "Mademoiselle Météo" par YOKO. Conflit d'intérêt qui n'a pas vraiment ému qui que ce soit : j'étais le traducteur de Météo, j'ai détesté faire ce travail (dans des conditions déplorables qui plus est), j'ai quitté Kaze à la suite de ce travail que je n'ai même pas signé de mon vrai nom (je n'ai jamais vu la vidéo finale, mais ça m'étonnerait qu'ils m'aient crédité "Félix le chat" comme je l'avais demandé
). Evidemment, YOKO avait (c'était un cas unique je crois) son logo sur la vidéo, et le rédac-chef m'a demandé de faire un article sur le produit... Article que j'ai écrit sans me faire prier : moitié résumé, moitié descente en flammes. Au final, seule la première partie de l'article a paru. Je me souviens qu'à l'époque, j'ai vraiment songé à quitter l'équipe pour ce sale coup. Mais bon, c'est la seule et unique fois où j'ai été censuré. Je crois que c'était simplement l'exception qui confirmait la règle.
Dix ans plus tard, que reste-t-il de cette dream team ? Je n'ai malheureusement pas eu de contact avec ses membres depuis cette lointaine époque, mais j'ai toujours essayé de me tenir au courant de leurs activités.
- Pierre Faviez, chef de la rubrique manga, est parti chez AB Production, où il est, si je me souviens bien, devenu directeur de la programmation pour la chaîne Mangas. Un bon parcours
Il écrit parfois aussi dans Animeland (notamment une très bonne série de rétrospective sur la diffusion d'animation à la télévision française).
- Jean-Paul Jennequin est toujours dans le milieu de l'édition. Je l'ai aperçu comme responsable sur la publication des comics des Simpson, dessinateur indépendant pour divers fanzines de qualité, chroniqueur dans plusieurs revues (je n'ai plus les détails en tête), et plus récemment sur Yéti.
- Olivier Aichelbaum, rédacteur occasionnel, a créé depuis le fameux Virus Informatique et ses déclinaisons (Puces Informatiques, Pirates Magazine, etc). Christophe Goffette était plus régulier dans Yoko, et depuis il a créé le meilleur magazine français sur le cinéma : Brazil (remplacé à mon grand regret depuis ce mois-ci par la revue Crossroads, que je n'ai toujours pas trouvée en kiosques). Fan de Terry Gilliam et d'Albert Dupontel, je me demande comment j'ai pu faire pour ne jamais avoir de contact avec lui. Pour l'anecdote, il a tenté de draguer récemment l'amie d'enfance de ma copine ;-) Il faut croire que dans un milieu spécifique, aussi large soit-il, tout le monde se connaît
- Rosa, Rosa... Où es-tu ? Je n'ai jamais plus entendu parler d'elle
- Jean-Michel Berté, le rédacteur-en-chef et patron de l'équipe, était déjà une de mes idoles quand j'ai commencé à travailler pour lui. C'était lui qui avait créé et dirigé le magazine MSX News (dont j'ai encore un numéro !) puis le mythique Micro News, où oeuvrait le génial dessinateur Paul Carali. On y croisait aussi parfois Marc Lacombe (les éternels ennemis Doc ST et Prof Amiga, qui s'en souvient ? Moi je tenais pour Doc ST, même si secrètement j'aurais bien voulu avoir un Amiga en prime...). Oui, c'est bien notre fameux Marcus national. Ahh, belle équipe que voilà... Bon, où en étais-je ? Ah oui, JMB... Après la fin de Yoko, je sais qu'il a continué à sortir sa revue érotique Geisha (pour laquelle j'ai dû écrire un article à tout casser, et je n'en suis pas très fier...), que je n'ai jamais achetée parce que je la trouvais vraiment trop raccoleuse. Difficile de suivre son actualité comme ça. Je crois que Top Manga n'a pas duré plus de deux ou trois numéros. Récemment, j'ai enfin réussi à retrouver sa trace : il a créé une nouvelle revue de bandes dessinées, Yéti, dans laquelle on retrouve également Jean-Paul, comme indiqué plus haut. Il y a quelques bons titres à l'intérieur, et puis ça me fait plaisir de voir l'équipe travailler sur un magazine généraliste, à une époque où moi-même je me suis ouvert à tous les courants de bande dessinée sans distinction particulière.
Il y a une adresse e-mail, dans le magazine...
*Je suis trop timide pour y laisser un petit bonjour*